Notre collègue Anna de Nicolás, nous livre son témoignage sur une journée qui a marqué l’histoire.

Le 16 février dernier a eu lieu le dernier vote au Congrès des Députés, qui aboutirait à l’approbation définitive de la Loi 4/2023, du 28 février, pour l’égalité réelle et effective des personnes trans et pour la garantie des droits des personnes LGTBI.

C’était peut-être la session la moins solennelle, il s’agissait d’approuver des amendements partiels techniques qui avaient été approuvés au Sénat et devaient être ratifiés au Congrès, et même si cela allait être quelque chose de peu pompeux et de simple formalité, je voulais être là.

Uge Sangil, président de la FELGTBI+ m’avait préalablement invité à assister à la première procédure législative au Congrès, mais comme il s’agissait d’un acte initial, il ne m’a pas semblé essentiel d’y assister, puisqu’il s’agissait du début de la procédure.

Pourquoi m’a-t-il invité ? Parce que depuis un certain temps je représente Colors Sitges Link au niveau de la Fédération d’État LGTBI+ en tant que coordinateur du groupe des politiques trans, qui à son tour fait partie de la Commission permanente fédérale, qui est un organe de décision fédéral. L’objectif de ce groupe est de faire entendre la voix des différentes associations, dont celle de Colors Sitges Link dans l’élaboration et la connaissance de la négociation qui est menée par les associations avec le gouvernement.

Pour ceux d’entre nous qui ont suivi le processus, celui-ci a été difficile. Fondamentalement, il se résume au fait que les personnes transgenres disposaient d’une loi déjà obsolète, la loi 3/2007, du 15 mars, qui réglemente la rectification du registre de la mention du sexe des personnes (qu’il repose en paix) et qui les obligeait à subir un traitement hormonal et à suivre une série d’exigences médicales qui considéraient les personnes transgenres comme des malades mentaux. Parallèlement, le 26 mars 2007, sous l’égide des Nations unies, ont été présentés les Principes de Jogjakarta, qui constituent une charte des droits de l’homme du point de vue des LGBT. Le principe 3, promulgué 11 jours après l’approbation de la loi espagnole, stipule que :

Principe 3 : le droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique : L’orientation sexuelle ou l’identité de genre que chaque personne définit pour elle-même est essentielle à son identité personnelle et constitue l’un des aspects fondamentaux de l’autodétermination, de la dignité et de la liberté. Nul ne peut être contraint de subir des procédures médicales, y compris la stérilisation, la chirurgie de réaffectation sexuelle et l’hormonothérapie, pour obtenir la reconnaissance légale de son identité de genre. Nul ne doit être soumis à des pressions pour dissimuler, supprimer ou nier son orientation sexuelle ou son identité de genre.

Plus tard, en 2012, le Parlement européen a fait écho à cette recommandation et a appelé les États membres à légiférer contre la marginalisation des personnes trans et LGTBI.

En 2014, le Danemark est devenu le premier pays à prévoir la dépathologisation et le changement administratif de sexe et de nom sans rapport médical.

La même année, en 2014, les différents parlements autonomes ont commencé à légiférer en ce sens, avec l’approbation de la loi 2/2014, du 8 juillet, sur la non-discrimination fondée sur l’identité de genre et la reconnaissance des droits des personnes transgenres en Andalousie. En Catalogne, la loi 11/2014, du 10 octobre, a été adoptée pour garantir les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées et pour éradiquer l’homophobie, la biphobie et la transphobie.

En dix ans, des lois acceptant l’autodétermination des sexes sont adoptées en Navarre, au Pays basque, en Cantabrie, à La Rioja, en Aragon, dans la Comunidad Valenciana, à Murcie, en Estrémadure, aux Canaries, dans la Comunidad de Madrid, en Castilla-La Mancha,…

En 2017, on tente déjà d’établir une loi d’État qui égalisera ces lois autonomes et les fera atteindre là où la législation autonome ne peut pas le faire parce que c’est une compétence de l’État, le registre civil.

La tentative de 2017 n’aboutit pas, mais le PSOE soutient le document. Plus tard, en 2018, l’Organisation mondiale de la santé retire la transsexualité de la liste des troubles mentaux, ce qui signifie qu’il n’y a plus la possibilité de diagnostiquer quelque chose qui n’est pas une maladie.

En bref, un texte consensuel est obtenu en Conseil des ministres le 27 juin 2022 et le premier vote a lieu (non sans controverse en raison de retards injustifiés) le 22 décembre 2022. Le règlement passe au Sénat et est voté le 8 février 2023, revient au Congrès pour le vote final le 16 février et est approuvé au Congrès des députés avec 191 voix pour, 60 contre et 91 abstentions. Il est publié le 1er mars et entre en vigueur le 2 mars 2023.

Le fait d’être présent au Congrès, d’être témoin de quelque chose de si spécial a été important. Un mélange de sentiments. Après une journée de stress, de manque de sommeil, de précipitation pour trouver une bonne place pour regarder la session (j’étais derrière une colonne), voir l’atmosphère avec le reste des militants était aussi très émouvant. Je dois admettre que certains discours m’ont fait monter les larmes aux yeux, et ce parce que, d’une certaine manière, la dignité de la personne trans et du collectif LGTBI est réparée et qu’on lui donne une voix et un vote.

Enfin, les lois sont lourdes et difficiles à appliquer, mais elles changent la vie des gens comme rien d’autre ne le fait. Cette loi est un grand pas en avant, mais elle a aussi laissé les personnes non-binaires derrière, sans reconnaissance de leur identité.

Ainsi, depuis Colors Sitges Link, nous continuerons à nous battre pour voir sur papier, par écrit, ces droits qui sont si difficiles à obtenir et qui peuvent si facilement être retirés.